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Origines et inspirations du projet

Souvent, on m'a demandé d'où venait l'idée de ce projet que je porte avec tant de conviction. 

Dans les premiers temps, il m'était difficile d'identifier exactement sa genèse qui remonte à plusieurs années, mais systématiquement, j'affirmais en premier lieu ma volonté d'aller à l'encontre du système de valeurs social qui déprécie et stigmatise depuis plusieurs décennies les corps gros.

J'ai moi-même grandi dans une famille qui, comme beaucoup, valorisait plutôt la minceur ou les physionomies sportives. La rondeur était suspectée de négligence... J'ai sans doute intégré ces codes, je me suis approprié ces standards comme une norme qui, inconsciemment, contribuait à sélectionner mes relations... Et contribuait peut-être aussi à façonner mon propre corps... plutôt mince, voire assez sec.

Portrait réalisé par un photographe professionnel d'une personne en situation d'obésité
Joe Xuereb - BD-09621.jpg

La naissance de ce projet a émergé en moi comme une possibilité de réparer une injustice à l'égard des personnes obèses, à l'égard des gros pour être plus direct. Une manière de militer contre les évidences véhiculées de toute part en faveur de la minceur (par les magazines, les films, les publicités, et donc les normes sociales, etc.).


A l'appui de cette nouvelle posture, je faisais référence aux sociétés de toutes époques qui - au contraire de la nôtre - ont voué un culte à l'égard de divinités aux silhouettes généreuses. De ce point de vue, nos sociétés occidentales contemporaines font plutôt exception. Il suffit de songer aux Vénus préhistoriques - Vénus de Lespugne, de Grimaldi, de Willendorf ou de Malte, etc. - magnifiquement opulentes. En les voyant, je me souviens d'avoir aimé ces corps massifs et ronds, symboles de fertilité.

Et finalement, à bien y réfléchir, la rondeur n'a presque jamais quitté les représentations artistiques depuis les Vénus préhistoriques en passant par les corps peints de Rubens ou d'Ingres et plus récemment les sculptures de Botero, de Nikki de Saint-Phalle ou les photographies de Substancia Jones (voir notamment son projet Adipositivity)... 

Je me suis souvenu aussi que je garde depuis des années dans un tiroir de mon bureau la carte postale d'une photographie d'Alexandra Demenkova représentant un groupe de trois femmes russes au bain dont émane une ambiance de simplicité et de mystère qui me plait beaucoup.

Plus récemment, j'ai pu identifier une autre racine ancienne de ce projet que j'avais oubliée, mais qui a certainement agi à mon insu : lorsque j'avais vingt-cinq ans, j'ai eu une relation fugace avec une jeune femme très ronde lors d'un chantier archéologique en Normandie. Je découvrais ce corps qui m'était plus étranger que tout autre. Découverte à la fois sensuelle et maladroite car en complet décalage avec mes attirances habituelles. La relation qui venait de se nouer n'y résista pas et se défit rapidement.

Et bien je sais aujourd'hui que mon projet doit aussi son origine à cette jeune femme et sa beauté ronde que je ne su pas entièrement reconnaître à ce moment-là de ma vie.

Russian Women, Alexandra Demenkova

C'est donc à cette inconnue que je choisi aujourd'hui de dédier ce projet photographique pour réparer l'injustice... Et pour rendre hommage aux dieux et aux déesses oubliés, méconnus ou stigmatisés. Qu'ils soient ici honorés pour leur beauté singulière et leur courage de s'offrir de nouveau au regard de tous.

 

Bertrand Perret, août 2020

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